Textes 1 et II: Clément Marot (1496-1544)

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Clément Marot n’est pas un voyou de l’acabit de Villon, mais ses sympathies luthériennes, voire libertines, lui valent de solides inimitiés, et des ennuis avec la justice, qui le contraindront à l’exil. On retrouve l’esprit courtois dans le premier poème, un humour épicurien en plus, qui annonce Ronsard. Dans l’Epitre à François 1er,  le roi des Français, Marot raconte avec le même humour son arrestation à la suite de son intervention pour faire libérer un prisonnier. On est loin de l’esprit révolutionnaire, puisque le roi est directement interpellé avec confiance, mais on remarque une certaine irrévérence à l’égard de l’autorité, destinée à faire fortune dans notre littérature.

I

Celle qui m’a tant pourmené

A eu pitié de ma langueur :

Dedans son jardin m’a mené,

Où tous arbres sont en vigueur.

Adoncques ne usa de rigueur :

Si je la baise, elle m’accole ;

Puis m’a donné son noble coeur,

Dont il m’est avis que je vole.

Quand je vis son coeur être mien,

Je mis toute crainte dehors,

Et lui dis :  » Belle, ce n’est rien,

Si entre vos bras je ne dors. « 

La Dame répondit alors :

« Ne faites plus cette demande :

Il est assez maître du corps,

Qui a le coeur à sa commande. »

II
Roi des Français, plein de toutes bontés,
Quinze jours a, je les ai bien comptés,
Et dès demain seront justement seize,
Que je fus fait confrère au diocèse
De Saint-Marry, en l’église Saint-Pris.
Si vous dirai comment je fus surpris,
Et me déplaît qu’il faut que je le die.


Trois grands pendards vinrent à l’étourdie
En ce palais me dire en désarroi :
 » Nous vous faisons prisonnier, par le Roi. « 
Incontinent, qui fut bien étonné ?
Ce fut Marot, plus que s’il eût tonné.
Puis m’ont montré un parchemin écrit,
Où n’y avait seul mot de Jésus-Christ :
Il ne parlait tout que de plaiderie,
De conseillers et d’emprisonnerie.
 » Vous souvient-il, ce me dirent-ils lors,
Que vous étiez l’autre jour là dehors,
Qu’on recourut un certain prisonnier
Entre nos mains ?  » Et moi de le nier !
Car, soyez sûr, si j’eusse dit oui,
Que le plus sourd d’entre eux m’eût bien ouï
Et d’autre part, j’eusse publiquement
Eté menteur : car, pourquoi et comment
Eussé-je pu un autre recourir,
Quand je n’ai su moi-même secourir ?

Pour faire court, je ne sus tant prêcher
Que ces paillards me voulsissent lâcher.
Sur mes deux bras ils ont la main posée,
Et m’on mené ainsi qu’une épousée,
Non pas ainsi, mais plus roide un petit.
Et toutefois j’ai plus grand appétit
De pardonner à leur folle fureur
Qu’à celle-là de mon beau procureur :
Que male mort les deux jambes lui casse !
Il a bien pris de moi une bécasse,
Une perdrix, et un levraut aussi,
Et toutefois je suis encore ici !
Encor je crois, si j’en envoyais plus,
Qu’il le prendrait; car ils ont tant de glus
Dedans leurs mains, ces faiseurs de pipée,
Que toute chose où touchent est grippée.

Mais pour venir au point de ma sortie,
Tant doucement j’ai chanté ma partie
Que nous avons bien accordé ensemble,
Si que n’ai plus affaire, ce me semble,
Sinon à vous. La partie est bien forte :
Mais le droit point où je me réconforte,
Vous n’entendez procès non plus que moi.
Ne plaidons point, ce n’est que tout émoi.
Je vous en crois, si je vous ai méfait.
Encor posé le cas que l’eusse fait,
Au pis aller n’y cherrait qu’une amende :
Prenez le cas que je vous la demande;
Je prends le cas que vous me la donnez,
Et si plaideurs furent onc étonnés
Mieux que ceux-ci, je veux qu’on me délivre,
Et que soudain en ma place on les livre.

Si vous suppli, Sire, mander par lettre
Qu’en liberté vos gens me veuillent mettre;
Et si j’en sors, j’espère qu’à grand peine
M’y reverront, si on ne m’y ramène.

Très humblement requérant votre grâce
De pardonner à ma trop grande audace
D’avoir empris ce sot écrit vous faire;
Et m’excusez, si pour le mien affaire
Je ne suis point vers vous allé parler :
Je n’ai pas eu le loisir d’y aller.

Questions sur l’Epître au Roi:

1) relevez les marques d’ironie.2) Peut-on dire que cette épître fait preuve d’insolence?

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